mardi 19 mai 2009

Paris, capitale mondiale des maths

Par Jean-Philippe Braly
Le journal du CNRS

Avec un effectif de près de 1 000 chercheurs, la Fondation Sciences mathématiques de Paris (FSMP) (*), dans laquelle est impliqué le CNRS, constitue le plus grand vivier de mathématiciens au monde. Tout aussi impressionnant que le nombre de ses chercheurs : son niveau d'excellence, couronné par de nombreuses distinctions internationales.

Quatre médailles Fields, deux prix Abel (1), quatorze académiciens, cent vingt lauréats de prix nationaux et internationaux, dont trois des onze récompenses remises lors du dernier Congrès européen des mathématiques qui s'est tenu en 2008 à Amsterdam… la Fondation Sciences mathématiques de Paris (FSMP) présente un « tableau de chasse » pour le moins impressionnant. « À plusieurs reprises, les laboratoires de la fondation ont fait mieux en nombre de conférenciers invités au Congrès mondial des mathématiques que les universités de Princeton et Berkeley et le Massachusetts Institute of Technology (MIT) réunis ! Or c'est un critère très reconnu dans notre domaine », annonce avec fierté Jean-Yves Chemin, directeur de la FSMP. Créée fin 2006, celle-ci compte six institutions membres (2), en tout neuf laboratoires parisiens employant pas moins de 1 000 chercheurs, soit la plus grande concentration de mathématiciens au monde ! Le CNRS est un des membres fondateurs et représente un quart de cet effectif. À l'origine de la fondation : la volonté de fédérer et de mettre en réseau les mathématiciens de la capitale pour améliorer la visibilité et l'attractivité de leurs laboratoires au niveau national et mondial. Autre spécificité : la FSMP couvre l'ensemble du champ des mathématiques pures et appliquées, ainsi que l'informatique fondamentale. Un choix motivé par une réalité qui se vérifie jour après jour : il n'y a pas de barrière hermétique entre la théorie et les applications. « Les mathématiques ont vu le jour il y a 5 000 ans pour gérer la production et la distribution des biens, on ne peut pas faire plus appliqué », se plaît d'ailleurs à rappeler Jean-Yves Chemin.

Les maths sont partout
En témoignent aussi les travaux des chercheurs de la fondation primés au 5e Congrès européen des mathématiques qui s'est déroulé le 14 juillet 2008 à Amsterdam. Ainsi, Laure Saint-Raymond, membre du Laboratoire Jacques-Louis Lions (3), s'est vue récompensée, entre autres, pour sa mise en équation des « ondes équatoriales », qui permet de mieux comprendre les phénomènes climatiques très complexes ayant cours à ces latitudes. Son collègue Josselin Garnier a quant à lui reçu un prix pour ses travaux appliqués à la sismologie. « En modélisant le bruit de fond des ondes sismiques présentes dans le sous-sol californien, il est parvenu à cartographier ce sous-sol nettement plus précisément que ce qui se faisait avant ! », explique Jean-Yves Chemin. Mais bien d'autres domaines nécessitent les maths. Ainsi en est-il de la cryptographie, devenue indispensable, par exemple, pour payer en toute sécurité ses achats par carte bancaire sur Internet. « La théorie des nombres qu'elle met en jeu est un exemple édifiant de mathématiques abstraites au service d'une application pratique », précise le directeur. Les maths font bien partie intégrante de notre vie quotidienne ! C'est pourquoi la FSMP s'est donné pour mission de favoriser les collaborations entre les chercheurs et le monde économique et industriel. Son objectif : devenir un interlocuteur privilégié pour aider les entreprises à identifier leurs besoins à moyen et long terme, puis recruter les mathématiciens de très haut niveau susceptibles d'y répondre.
Attirer les meilleurs
Mais si Paris jouit déjà d'une forte crédibilité en mathématiques, elle ne la conservera qu'au prix d'un réel effort. « Car d'autres villes dans le monde sont en embuscade, telles Pékin ou Bombay, dont le nombre de mathématiciens est en constante augmentation », prévient Jean-Yves Chemin. La Fondation engage donc des moyens conséquents pour attirer la fine fleur mondiale des mathématiciens. Ainsi, une chaire d'excellence destinée à des chercheurs de tout premier rang international vient d'être créée, la seule entièrement dévolue aux maths en France (4). Quinze postdoctorants étrangers peuvent aussi être accueillis chaque année, unique programme « postdoc » de cette envergure pour les mathématiques et l'informatique fondamentale au niveau national. « Pour leur recrutement, un affichage mondial des postes à pourvoir est réalisé au sein de 2 000 institutions ! », déclare Jean-Yves Chemin. Le prix de la Fondation permet d'accueillir pendant un an un jeune mathématicien prometteur, future « vedette » de son sujet. Et les plus grands mathématiciens mondiaux peuvent être invités à Paris pour des séjours de deux à trois mois… Mais la FSMP irrigue aussi le tissu mathématique national en finançant le séjour de mathématiciens provinciaux pour des formations à l'Institut Henri Poincaré (IHP) (5) et pour le séjour de doctorants en province. « Enfin, nous sommes capables de débloquer très rapidement un budget pour accueillir un thésard étranger exceptionnel, ajoute Jean-Yves Chemin. Nous avons ainsi réussi à convaincre un jeune australien prodige que tout le monde s'arrachait. »
Donner le goût des maths
Développer l'intérêt général pour les mathématiques est une autre des missions que s'est fixée la Fondation, même si sa vocation première reste la recherche. Bien que les universités parisiennes soient un peu moins touchées que la moyenne, la pénurie d'étudiants est un phénomène alarmant. La FSMP a donc décidé de créer « Paris Graduate School of Mathemical Sciences », un programme de bourses de master et de thèse destiné aux étudiants étrangers. « Notre objectif est d'accueillir 20 étudiants au niveau Master 1 dès la rentrée 2010, puis de passer à 50 élèves », annonce le directeur. Parallèlement, la Fondation mène un gros effort de communication et de vulgarisation, comme en témoigne son site internet. Pourvu qu'elles soient bien expliquées, les maths, ce n'est pas si sorcier !
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Notes :
(1) La Médaille Fields et le prix Abel sont deux récompenses qui viennent pallier l'absence de prix Nobel en mathématiques. La première est remise tous les quatre ans à un ou plusieurs chercheurs de moins de quarante ans. Le prix Abel est attribué tous les ans. Il a été remis cette année à Mikhaïl Gromov membre de l'Institut des hautes études scientifiques (IHÉS), à Bures-Sur-Yvette (lire « Éclats »).
(2) CNRS, École normale supérieure, université Paris-Diderot, université Pierre-et-Marie-Curie, université Paris-Dauphine, Collège de France.
(3) Laboratoire CNRS / Université Paris-I.
(4) Cette chaire permet de financer un séjour de douze mois pour un mathématicien étranger de tout premier plan. Le lauréat dispose d'un budget pouvant atteindre 68 000 E et d'un salaire de 6 200 E nets par mois.
(5) Institut CNRS / Université Paris-VI.
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(*) Site de la Fondation Sciences Mathématiques de Paris:
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http://www.sciencesmaths-paris.fr/
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//L'article ci-dessus provient du lien ci-dessous:
// http://www2.cnrs.fr/presse/journal/4342.htm
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